Les femmes trouvent leur autonomie sur le sentier

par Raphaëlle Rousseau

Le brouillard est épais et les silhouettes délavées des arbres me rappellent le rêve que j'ai fait il y a quelques minutes avant de couper mon réveil et de m'extirper de la tente. Il est 6 heures du matin lorsque nous allumons le brûleur. Le café est préparé tandis que d'autres amis arrivent par petits groupes. Nous nous rappelons le plan de la journée tandis qu'un petit groupe s'affaire à préparer les yaourts du petit-déjeuner et que quelques autres préparent des déjeuners sains. L'oiseau du matin attrape l'oiseau, dit-on ! Si nous sommes tous réunis ce matin à l'aube dans le parc des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie (une région pittoresque qui doit son nom à une série de vallées encastrées dans une chaîne de hautes montagnes), c'est parce que deux filles de notre groupe ont décidé d'organiser une escapade d'un week-end hors de la ville afin de découvrir l'un des joyaux de notre province : le légendaire sentier de l'Acropole-des-Draveurs.

Une randonnée de 11 km nous attend, mais les organisateurs nous rappellent que nous avons tous des compétences et des objectifs différents, et que la clé du succès est d'aller à notre propre rythme. Le voyage commence et le premier kilomètre décourage presque certains d'entre nous. Le début du sentier est assez difficile car il est raide et rempli de grandes marches rocheuses. Nous partageons nos astuces : pousser les cuisses en arrière à chaque pas, garder le dos droit, ne pas oublier de respirer. Alors que beaucoup commencent à demander une pause pour reprendre leur souffle, la forêt se dégage et un rocher de la taille d'un bus accroché à flanc de montagne nous permet de nous diriger vers une vue sur la vallée où la brume est encore présente. Nous buvons de grandes gorgées et nous nous encourageons mutuellement à continuer pendant que d'autres rattrapent leur retard. Quelques high-five et c'est reparti. Les kilomètres suivants sont plus doux et plus nous avançons, plus le soleil perce le brouillard, brillant à travers les feuilles. Cette longue partie du sentier passe plus vite et nous ne réalisons même pas que nous avons atteint le sommet lorsque le sentier mène à une gigantesque plate-forme rocheuse qui se fond dans le brouillard qui s'est épaissi derrière la falaise. Nous nous asseyons pour prendre un moment pour apprécier le rythme de nos inspirations et notre appétit heureux qui attend avec impatience le délicieux déjeuner à venir.

Après que tout le monde soit arrivé et se soit reposé, nous nous dirigeons vers le deuxième sommet, le long de la crête qui se dévoile derrière la couche nuageuse. C'est au deuxième sommet que nous décidons de prendre notre déjeuner. Comme par magie, le ciel se dégage et la vue se dévoile devant nous, suscitant une émotion collective face à une immense vallée encaissée. Une formation rocheuse qui me rappelle le Yosemite se dessine sur l'autre versant, juste devant nous. Nous prenons le temps de manger et de prendre quelques photos, puis nous entamons notre descente, certains la font au pas de course. Nous décidons tous de nous regrouper près de la belle rivière qui traverse la vallée, à peine visible d'en haut. Nos pieds meurtris et nos cuirs chevelus chauffés par le soleil se détendent soudainement au contact de cette eau fraîche et vivante.

Toutes ont adoré leur journée et se sont senties accomplies, même celles qui ont eu du mal au premier kilomètre. Cette fierté nous donne l'envie de nous transformer en quelque chose d'extraordinaire : certaines imitent des sirènes sur un morceau de roche, d'autres des loutres qui rient sur leur dos. Toutes ces femmes sont fortes, mais elles ont renforcé leur imagination et leur confiance en leurs capacités grâce à cette simple expédition d'un week-end. Cela montre que le grandiose inspire le grandiose et que le partage stimule l'envie de partager. Alors, si jamais la morosité des jours froids vous gagne, sortez de chez vous et dites oui aux opportunités qui vous permettent de vivre et de partager avec d'autres les images qui vous font mieux rêver.

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